46 300, c’est le nombre d’espèces menacées d’extinction d’après la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN). Mais ce chiffre ne concerne pas les 500 espèces vertébrées qui ont déjà disparu, en moins d’un siècle, ou encore les 36% des espèces terrestres et les 81% des espèces d’eau douce (entre 1970 et 2012), disparues elles aussi. Cette extinction massive ne cesse de croître, et face à ce défi, la biodiversité est désarmée. L’homme lui, principal coupable, tente de remédier à cette 6e crise biologique, notamment par la protection de certaines espèces en voie de disparition, la création de parcs naturels, l’interdiction du braconnage, ou encore la création d’ONG. Ces solutions, bien que parfois fragiles, et ne traitant pas le problème environnemental dans son entièreté, permettent tout de même à certaines espèces de relever leur population, et de se libérer de la menace d’extinction. Mais les espèces déjà disparues, elles, le sont pour toujours. Seulement, bien que ceci soit vu comme définitif, notre avenir pourrait nous prouver le contraire.
La « mission divine » de l’homme.
La de-extinction, ça vous dit quelque chose ? Simplement, la « dé-extinction » en français représente le processus de « résurrection » d’espèces disparues, à travers des méthodes alliant génétique, élevage, et clonage. Cette idée émerge au XXe siècle, avec les zoologistes allemands Lutz et Hein Heck, qui tentent de ramener à la vie un ancêtre du bœuf disparu en 1627, l’auroch. Même si cette expérience scientifique, première dans ce domaine, n’a pas été fructueuse, elle laissa la voie à de nombreuses autres dans les décennies qui suivirent. Les créateurs des « bovins Heck » ne se basaient que sur des descriptions historiques et morphologiques de cette espèce, et se contentaient de croiser des bœufs ressemblant à ces caractéristiques.
Dans les années 80, un certain Karry Mullis développe la « Polymerase Chain Reaction » (PCR), une technique d’amplification de l’ADN ancien à partir d’un fragment, permettant d’étudier en détails les caractères d’une espèce éteinte. Ainsi, en compilant cette méthode avec celle de la Fécondation in-vitro (méthode de fécondation en laboratoire), née elle aussi dans les années 80, les scientifiques étaient désormais capables de contrôler les croisements entre les gamètes afin d’obtenir des traits spécifiques pour l’embryon. Une fois cette première étape de « rétro-sélection » effectuée, les embryons doivent être implantés dans des individus féminins de l’espèce la plus proche génétiquement, et cela devrait en théorie permettre de « recréer » un individu de l’espèce éteinte. Oui, en théorie, car aujourd’hui, aucun succès n’est à déclarer, aucune espèce disparue n’est revenue à la vie. Du moins, pas encore.
En 1996, le mouton Dolly, premier clone mammifère de l’histoire naît en Écosse. Ce progrès scientifique rabat les cartes en prouvant la possibilité de ce projet fou de pouvoir « recréer » des animaux, et plus particulièrement des mammifères, précédemment vu comme impossible.

Colossal Biosciences : c’est quoi ?
“Colossal is working to remedy the planet, the future and the word itself.”
“Colossal travaille à remédier à la planète, à l’avenir et au mot lui-même.”

Fondée en 2021, cette entreprise présente un objectif clair : inverser les dégâts causés par l’homme à la biodiversité, notamment dans le domaine des espèces disparues, préserver la nature actuelle, et établir des standards pour l’avenir.

Pour cette nouvelle et « unique » entité dans le domaine de la « dé-extinction », faire revenir à la vie des espèces éteintes n’est pas suffisant. Construire une résistance naturelle, permettre l’adaptation au milieu, et notamment aux changements climatiques, est l’enjeu majeur que relève Colossal Biosciences. Ainsi, les espèces que visent à ressusciter Colossal, seront dans leur optique, parfaitement adaptées à notre environnement, qui au long terme diminuera cette menace d’extinction pour ces dernières. L’entreprise ne s’inscrit pas dans une vision unique de restaurer le passé, mais conserver le présent, avec une volonté de faire un pas en avant dans le progrès bio-scientifique et environnemental.
Le mammouth laineux, cet animal préhistorique, éteint depuis environ 4000 ans, matérialise le premier objectif de « dé-extinction » pour Colossal Biosciences. Ressusciter l’espèce présenterait un premier pas dans ce processus ambitieux de l’entreprise, et permettrait à long terme de construire une résistance à l’extinction pour de nombreuses espèces. Par exemple, l’herpèsvirus endothéliotrope (EEHV) est une maladie faisant rage au cœur de la population des jeunes éléphants d’Asie. Avec une tranche d’âge d’individus infectés entre 1 et 8 ans, le taux de mortalité est de 80%, et le décès de l’individu se fait en quelques jours seulement. Ainsi, les recherches menées par Colossal sur le mammouth laineux permettraient de trouver un moyen de lutter contre cette maladie. A travers des tests sur des cellules, aucun éléphant vivant ne serait impliqué, et les analyses des effets du virus seraient toujours efficaces pour développer un potentiel vaccin. En 2024, une femelle éléphante de 40 ans, Tessa, a bénéficié d’un premier vaccin expérimental, et si celui-ci s’avère fructueux, il pourrait être administré à une population plus large pour combattre la maladie à une plus grande échelle. Le 4 mars 2025, les scientifiques de Colossal sont parvenus à donner des caractéristiques du mammouth laineux à des souris, marquant un progrès important dans leur objectif de ramener l’espèce d’ici 2028.
Disparu de l’île Maurice depuis le XVIIe siècle, le dodo est également une espèce dans la ligne de mire de Colossal. Depuis janvier 2023, l’entreprise, avec son budget de 137 millions d’euros, travaille sur une fameuse « dé-extinction » de l’oiseau, avec un « séquençage complet du génome du dodo à partir de l’ADN ancien – en se basant sur le matériel génétique extrait de restes de dodos au Danemark ». La prochaine étape serait une culture de cellules, avec des espèces proches, puis une phase d’incubation des œufs pour enfin ramener à la vie ce spécimen vieux éteint depuis 300 ans.
Éthique, morale : que penser de la « de-extinction » ?
Ces méthodes contre-nature pour ressusciter des espèces soulèvent de nombreux questionnements, et notamment sur le plan de manipulation de l’ADN, ou encore le clonage. L’humain, premier responsable de ces extinctions, tente aujourd’hui de réparer ses erreurs, avec l’utilisation de nouvelles technologies, qui malheureusement ne seraient pas suffisantes. La reconstruction des habitats détruits, les mesures de conservation et de préservation des espèces, avec des ressources manquantes, pourrait se révéler comme un enjeu majeur et difficilement réalisable à long terme. De plus, la possibilité de « ressusciter » des espèces pourrait conduire à une tolérance plus accrue vis-à-vis des espèces en voie d’extinction, menaçant ainsi la biodiversité une fois de plus. Le sort des animaux ramenés relève également des interrogations, l’adaptation à notre environnement serait-elle réellement fructueuse ? Comment se matérialiserait l’état de santé de ces « espèces ressuscitées » ? Comment serait leur capacité de reproduction ? Peut-on être sûr de pouvoir recréer la constitution génétique originale de l’espèce disparue ? Voici de nombreuses questions entourant ces nouvelles méthodes, et celles-ci ne se tournent qu’uniquement sur le plan technique du projet, car l’intérêt et les réelles motivations des scientifiques sont également au cœur de cette problématique.
Conclusion.
En résumé, la « dé-extinction » présente de nombreux enjeux pour les scientifiques de notre époque, et la volonté de faire marche arrière sur les dégâts causés à la biodiversité en est l’objectif principal. Avec les progrès importants et constants en biologie et en génétique, une nouvelle perspective de notre capacité à pouvoir ralentir l’extinction massive des espèces se démocratise. Bien que soulevant plusieurs questionnements éthiques et moraux, la « dé-extinction » pourrait se révéler non seulement comme le moyen de faire revenir des espèces éteintes, mais aussi comme la méthode la plus efficace pour préserver les espèces existantes. L’homme ayant causé ce désastre biologique est ainsi le seul à pouvoir le résoudre, d’où sa nécessité de prendre conscience du problème.
En savoir plus (menu déroulant)
- Complément sur la « dé-extinction » : https://www.britannica.com/science/de-extinction/Ethical-considerations
- Le site web de Colossal Biosciences : https://colossal.com/
- La liste rouge de l’IUCN des espèces menacées : https://www.iucnredlist.org/