Le Met Gala ou l’extravagance controversée

Chaque premier lundi de mai, sous les arches du Metropolitan Museum of Art, se déroule la plus importante soirée de l’industrie de la mode : le Met Gala. Organisée depuis trente ans par Anna Wintour, cette soirée reflète le pouvoir dans l’industrie de la mode. L’accès à cet événement qui finance le Costume Institute obéit à un règlement strict et une logique de sélection où se mêlent célébrité, influence et richesse. Les quelques centaines de privilégiés admis doivent s’y plier par un respect scrupuleux du thème annuel, une interdiction formelle aux téléphones, et surtout, une parfaite ponctualité sous peine d’exclusion définitive.

Anna Wintour – Wionews

Un événement à double face.

Ce gala caritatif fonctionne en réalité comme un véritable marché d’influence. Les marques de luxe y achètent des tables sponsorisées à un prix exorbitant (300 000 $ par tables)  afin d’affirmer leur crédibilité dans le monde de l’art et de la haute société et garantir une certaine visibilité , tandis que les célébrités y participent pour renforcer leur image publique et leur place dans la sphère médiatique. Le placement à table relève des décisions stratégiques faites par l’équipe de Vogue, séparant les figures d’influence majeures de celles dont le poids médiatique est moindre. Récemment, le Met Gala a été vivement critiqué pour son exclusivité et son caractère éminemment capitaliste. Originellement créé en 1948 par Eleanor Lambert comme une collecte de fonds modeste, l’événement génère aujourd’hui près de 20 millions de dollars annuels pour le musée, mais son luxe ostentatoire suscite de plus en plus d’interrogations. En effet, le coût moyen d’une tenue de gala peut atteindre 200 000 dollars, soit l’équivalent du revenu annuel de 50 ménages modestes new-yorkais. À cela s’ajoutent d’importantes dépenses pour les décors floraux et les installations artistiques, souvent estimées à plusieurs millions de dollars, qui pourraient financer des initiatives culturelles ou sociales à une échelle bien plus large. Cette démesure soulève une question de fond : comment associer la défense des arts à un gaspillage aussi spectaculaire ? Certaines voix, comme celle de la regrettée Vivienne Westwood, n’ont cessé de dénoncer ces excès. Selon elle, la véritable promotion de la culture et des arts devrait passer par l’accessibilité, le soutien aux jeunes artistes ou encore la démocratisation des savoirs, plutôt que par l’étalage de richesses. Dans un monde confronté à des défis sociaux et écologiques majeurs, cet événement se présentant comme ode l’opulence apparaît pour beaucoup comme déconnectée des réalités contemporaines.

Revendications politiques.

Bien plus qu’une simple parade de haute couture, le Met Gala est devenu un révélateur des tensions de notre époque. Si l’événement célèbre la créativité artistique et le mécénat culturel, il montre aussi les relations entre culture, pouvoir économique et engagement politique.

Au fil des années, plusieurs célébrités ont détourné les codes de la soirée pour faire passer des messages forts. En 2021, la députée Alexandria Ocasio-Cortez a marqué les esprits en portant une robe blanche désignée Brother Vellies sur laquelle était inscrit en lettres rouges « Tax the Rich » (« Taxez les riches »), dénonçant ouvertement les inégalités économiques, lors même de cet événement rassemblant l’élite financière. En 2018, Lena Waithe a foulé le tapis rouge drapée dans une immense cape arc-en-ciel, affirmant son soutien à la communauté LGBTQIA+, un geste à la fois audacieux et symbolique.

LA Times

Plus récemment, en 2024, plusieurs célébrités ont choisi de faire passer des messages écologiques à travers leurs tenues. Notamment la chanteuse Billie Eilish, fidèle à son engagement environnemental, qui a tenu à ce que Oscar de la Renta qui désignait sa robe s’engage à ne plus utiliser de fourrure. Les engagements écologiques sont souvent mis en lumière par des célébrités, mais l’événement lui-même, centré sur le luxe et la consommation, interroge la sincérité de ces messages dans un contexte où la planète souffre des excès du fast fashion.

Pour autant, ces gestes militants s’opposent à l’ostentation la plus extravagante : des tenues couvertes de diamants, des dépenses démesurées qui interrogent sur la sincérité de certains engagements. Alors que les inégalités sociales se creusent dans le monde entier, la persistance de ce rituel soulève la contradiction de ces institutions culturelles, censées servir le public, mais qui entretiennent des liens étroits avec les élites économiques.

L’Echo

Le Met Gala incarne les contradictions d’une industrie de la mode tiraillée entre art, activisme et capitalisme. S’il permet de financer le Costume Institute, son opulence et son exclusivité en font un symbole des dérives d’un système inégalitaire. Dans un monde confronté à des tensions contemporaines plus que majeures peut-être est-il temps de repenser cet événement.

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1 réflexion au sujet de « Le Met Gala ou l’extravagance controversée »

  1. Excellent article, j’aime voir un sujet qui d’habitude fait parti de la sphère du divertissement être traité avec une critique pertinente et donc démontrer que cela n’est pas que du divertissement mais quelque chose de plus profond.

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