Dans une société de plus en plus numérique, quelle place reste-t-il pour le papier ?

Vous qui lisez certainement cet article sur votre téléphone ou sur votre tablette, n’avez-vous jamais entendu quelque énergumène affirmer « Le livre papier va disparaître, l’avenir c’est Internet ! ». Et à vous cette fois de penser qu’il n’avait pas tort. Seulement, qu’en est-il réellement ? Le papier est-il voué à disparaitre ?

État des lieux de la situation

90%, c’est le pourcentage de lecteurs de livres papier en 2023 en France d’après le SNE (Syndicat National de l’Edition). La part du marché des livres numériques ne représente donc que 10% du lectorat hexagonal, ce qui semble peu concurrentiel. Cependant, en considérant que cette statistique a bondi de près de 55% en l’espace de 15 ans, cette rivalité « inexistante » parait soudain moins jouée d’avance.

 Ce doute s’amplifie lorsque l’on sait que les utilisateurs de ce support non-physique sont majoritairement jeunes en comparaison avec un public vieillissant pour le papier. Il est ainsi tout à fait légitime de s’interroger sur la potentielle croissance de cette part encore mineure, dépassera-t-elle son rival ?

De même, on assiste à une rapide démocratisation des supports électroniques en termes d’utilisation et d’habitudes dans la société, comme le démontre l’usage croissant des manuels scolaires dématérialisés et l’acceptation sociale de la presse numérique.

Un adversaire redoutable ?

Si le futur du papier peut paraître si incertain, c’est bien à cause du numérique, particulièrement à cause de ses avantages. Au-delà du gain de place et de poids, ce dernier offre surtout une instantanéité et une praticité désirées et désirables par nombre de lecteurs. Effectivement, l’e-book s’avère ergonomique à de nombreux points de vue avec la rapidité d’achat d’un contenu, les possibilités de lecture (lisibilité dans l’obscurité, taille des caractères, surlignement, annotations) ou encore le prix réduit des ouvrages.

Néanmoins, ces atouts restent relativement réduits face au coût important du support numérique (une liseuse pourra coûter jusqu’à quelques centaines d’euros) et à tous les dommages engendrés, comme l’effet néfaste des écrans sur la santé ou sa grande fragilité.

En outre, il manque en réalité au format numérique un aspect, facilement oubliable mais tout de même essentiel : un cycle de vie. De fait, le livre papier est un objet qui circule, de mains en mains, vendu et revendu, prêté et rendu, offert et donné ; ce qui n’est pas envisageable avec un livre cette fois électronique.

L’adversaire du papier, supposément imparable, apparait désormais comme faiblard et incapable de rivaliser avec celui-ci. Pourtant, des doutes subsistent sur l’avenir du livre physique.

Vers une fin du livre papier ?

Au vu de tous ces éléments, le futur du livre papier peut sembler déroutant, collapsera-t-il ou non ? Les prévisions indiquent clairement que celui-ci n’est pas compromis, mais pourquoi ? Tout d’abord, car le numérique n’est pas à l’heure actuelle un concurrent sérieux du papier, car empli de défaillances techniques et de limites. Ensuite, cet engouement autour du digital favorise la vente et l’intérêt pour les romans papier et autres, en popularisant des titres et des auteurs. Enfin, le plaisir étant la priorité des lecteurs, ceux-ci ne sont pas décidés à abandonner la sensation du papier sous leurs doigts et l’odeur caractéristique qui l’accompagne.

Par conséquent, même si l’industrie du livre papier connaitra un certain déclin, elle ne s’éteindra pas pour autant. En fait, l’ouvrage physique connait récemment un engouement encourageant, lié à une motivation progressive des Français à lire davantage (68% de la population selon le Centre National du Livre) et à un développement d’alternatives à l’achat de livres neufs. Un engouement à l’abri de pratiques concurrentielles tarifaires agressives grâce à l’application de la loi Lang qui protège le commerce livresque, en instaurant un prix unique pour chaque ouvrage :

« Toute personne physique ou morale qui édite ou importe des livres est tenue de fixer, pour les livres qu’elle édite ou importe, un prix de vente au public. […] »

Article 1 – Loi Lang

En théorie, la fin du livre papier n’est donc pas à prévoir, coupant court à toute prédiction inverse qui se voudrait annonciatrice d’une quelconque disparition du support le plus usité de nos jours.

Et la presse ?

Vous êtes actuellement en train de consulter cette rubrique en ligne, mais est-ce un phénomène qui se propage à toute la presse ? Actuellement, d’après le CIM (Centre d’information sur les médias), 80% de la presse publiée est consommée sous forme physique, mais cet écart avec la presse en ligne se réduit drastiquement d’année en année. En effet, cette montée en puissance du numérique s’explique par la chute du nombre de points de vente et des routines rapidement acquises par les consommateurs d’actualité : la presse, synonyme d’immédiateté est d’autant plus justifiée par l’accessibilité et la rapidité d’Internet que par la distance et le temps associés à une maison de la presse.

Malgré cela, et c’est là la principale motivation des éditeurs, le papier reste plus rentable que le digital. Ainsi, un abonné digital rapporte deux fois moins qu’un abonné papier et pour la publicité, un internaute représente quatre fois moins d’argent qu’un lecteur papier. L’abandon du support matériel n’est donc pas à l’ordre du jour pour les journaux et la presse écrite.

Voilà, le sort du papier n’est pas fixé. Tout laisse à penser que son utilisation n’est pas compromise et que le numérique n’est pas au bout de ses peines pour rattraper l’avance de son concurrent. Malgré tout, il reste ardu d’envisager parfaitement un avenir pour ce matériau, dont la production en crise déstabilise les prédictions papetières. Dans tous les cas, rassurez-vous, celui-ci a encore de beaux jours devant lui et n’a rien à envier au numérique grâce à cet attachement sentimental et personnel au papier que l’on a tous. La prochaine fois que cet énergumène vous assurera que le papier est mort, vous saurez ainsi quoi lui répliquer.

Bibliographie (menu déroulant) :

L’Humanité, « Nous croyons à l’avenir du journal papier » (https://www.humanite.fr/medias/presse-ecrite/crise-de-la-presse-nous-croyons-a-lavenir-du-journal-papier)

The Conversation, « Pourquoi les livres papier n’ont-ils pas disparus ? » (https://theconversation.com/pourquoi-les-livres-papier-nont-ils-pas-disparu-118617)

Sciences Po, « Pourquoi Internet n’a pas tué le papier ? » (https://www.sciencespo.fr/fr/actualites/livres-pourquoi-internet-na-pas-tue-le-papier/)

Universalis, « Perspectives et avenir du papier » (https://www.universalis.fr/encyclopedie/papier/7-perspectives-et-avenir-du-papier/ )

La Tribune, « Avec la fin annoncée du papier, la presse voit la lumière sur le digital » (https://www.latribune.fr/technos-medias/medias/avec-la-fin-annoncee-du-papier-la-presse-voit-la-lumiere-sur-le-digital-877780.html)

The Conversation, « En France le livre papier a-t-il encore un avenir ? »  (https://theconversation.com/debat-en-france-le-livre-papier-a-t-il-encore-un-avenir-143363 )

Pour aller plus loin (menu déroulant):
  • Sur l’avenir de la matière papier en général :

Courrier International, « Non, le papier n’est pas encore mort » (https://www.courrierinternational.com/article/industrie-non-le-papier-n-est-pas-encore-mort)

Les Echos, « Comment le monde du papier s’enfonce dans la crise ? » (https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/comment-le-monde-du-papier-senfonce-dans-la-crise-1400353)

  • Sur le développement complémentaire du numérique et du papier :

The Conversation, « Livres papier et livres numériques, un avenir entremêlé » (https://theconversation.com/livres-papier-et-livres-numeriques-un-avenir-entremele-119028)

LivresHebdo, « Le numérique complémentaire du papier » (https://www.livreshebdo.fr/article/le-numerique-complementaire-du-papier)

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1 réflexion au sujet de « Dans une société de plus en plus numérique, quelle place reste-t-il pour le papier ? »

  1. Article très instructif et très bien écrit.
    Je pensais que l’avenir du livre papier était compromis, et je constate avec plaisir que ceci est loin d’être le cas.
    Merci.

    Répondre

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