Il est 18h ce dimanche 18 mai quand sont publiés les résultats du scrutin pour l’élection du président du parti Les Républicains. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, l’emporte haut-la-main sur son adversaire, le président du groupe Droite Républicaine à l’Assemblée Nationale, Laurent Wauquiez. Fort de ses 74,31 %, le nouveau président de LR entend bien redonner du souffle à son parti, avec pour principal objectif en tête l’élection présidentielle de 2027. Toutefois, pour comprendre ce qui se déroule sous nos yeux, il est nécessaire de faire un petit retour en arrière.
Les Républicains, ou LR, c’est l’héritier d’une succession de partis gaullistes qui rythment la vie politique française depuis l’après-guerre. Du RPF à l’UMP en passant par l’UDR et le RPR, le gaullisme a été l’idéologie motrice des mandats de quatre présidents sous la Ve République et représente encore aujourd’hui l’identité politique de la majorité sénatoriale et d’une composante non négligeable du gouvernement actuel (B. Retailleau au ministère de l’Intérieur, A. Genevard à l’Agriculture…). Pourtant, la droite dite “classique” semble être en perte de vitesse avec un score inférieur à 5 % aux élections présidentielles de 2022 (4.78 % pour V. Pécresse) et une faible délégation au parlement européen suite aux élections du 9 juin 2024 (6 eurodéputés LR pour une liste au score de 7.25 %).
Outre cette petite rétrospective, le premier jalon posé en vue de l’élection du président de LR sonne comme un coup de fracas au journal télévisé de 13h le 11 juin 2024. Après la dissolution de l’Assemblée prononcée le 9 juin au soir par le Président de la République, le président du parti depuis 2022, Eric Ciotti, se dit favorable à un accord électoral avec le Rassemblement National en vue des élections législatives à venir sans avoir consulté le conseil national de son parti. Inédite depuis 1983, cette décision lui attire les foudres des membres de sa famille politique. S’en suit un véritable vaudeville politico-médiatique au cours duquel le député des Alpes Maritimes s’enferma au siège national des LR, devant lequel les annonces à la presse s’enchaînent, le faisant être démis de ses fonctions au cours d’un bureau politique exceptionnel pour être réhabilité par la justice quelques semaines plus tard…
C’est finalement à la fin de l’été que lui est officiellement retirée sa présidence du parti. Entre-temps, les élections législatives tripolarisèrent l’Assemblée prenant de fait en étau le parti gaulliste. C’est pourtant Michel Barnier qui est nommé premier ministre, un LR, qui prit avec lui quelques pontes de son parti au gouvernement, à l’instar du président du groupe au Sénat : Bruno Retailleau. Laurent Wauquiez, député de Haute-Loire et président du parti de 2017 à 2019, n’ayant jamais caché ses ambitions présidentielles, se contenta de la présidence du groupe à l’Assemblée et de la présidence du parti par intérim jusqu’à l’élection d’un nouveau président des LR. Sa candidature à la présidence de la République était d’ailleurs soutenue par Eric Ciotti lors de sa campagne pour la présidence du parti en 2022.
Le scénario se dessinant au fil des mois voulait que M. Wauquiez soit à la tête du parti et qu’il puisse s’appuyer sur cette situation afin de satisfaire son ambition de candidater à l’élection de 2027. C’était sans compter l’explosion de popularité que représentait M. Retailleau. Le sénateur de Vendée alors principalement connu des férus de politique se fit remarquer pour ses positions-chocs sur les questions liées à l’immigration, à l’Etat de droit et au narcotrafic, faisant ainsi sensation à l’automne pour un clip ministériel appuyant l’idée d’une responsabilité des consommateurs dans le contexte criminel actuel. Fervent défenseur d’une ligne résolument à droite notamment sur les valeurs, il fit de l’ombre à celui qui se voyait déjà à l’Elysée en 2027. Par ailleurs, malgré la motion de censure votée en décembre 2024 qui fit chuter le gouvernement Barnier, il conserve son poste au ministère dans le gouvernement de François Bayrou.
Coup de tonnerre le 12 février 2025 quand le Vendéen déclara à la surprise générale sa candidature à la présidence du parti. Le lendemain, le député altiligérien emboîta le pas, manifestement pris de court par la candidature du ministre. Il invita Bruno Retailleau à participer à un binôme de direction à la tête du mouvement et en appela à éviter “la guerre des chefs” ravivant de fait la mémoire de l’élection de 2012. En effet, le parti qui s’appelait alors l’UMP connut une situation qui le plaça au bord de la rupture quand Jean-François Copé et François Fillon contestaient tous deux les résultats du scrutin pour la présidence du parti. L’affaire faillit partir entre les mains de la justice, mais aboutit finalement à une victoire, difficilement consentie par tous, du député-maire de Meaux, J.F. Copé.
La campagne lancée, les deux protagonistes de 2025 s’engagent dans un tour de France à la rencontre des militants LR. Si la méthode Wauquiez tend à renouer avec une forme de proximité par des réunions publiques dans des bars, des cafés ou des salles municipales de communes rurales, la méthode Retailleau est une façon de faire campagne qui voit les choses en grand : grands publics, grands soutiens (notamment les sénateurs et présidents de régions). De plus, ce dernier sait compter sur une actualité qui le place sur le devant de la scène très régulièrement favorisant sa popularité auprès d’une base militante passée, selon le parti, d’environ 40 000 cartes à 120 000.

La fin de campagne devient laborieuse pour Laurent Wauquiez qui s’enlise dans des déclarations hasardeuses comme celle sur le placement des OQTF sur l’Île de Saint-Pierre-et-Miquelon. Il finit par disposer de 25 107 suffrages contre 72 629 pour son adversaire qui prend la tête du parti. Il n’est pourtant pas question d’en prendre la vice-présidence, le traumatisme des tensions entre Aurélien Pradié et Eric Ciotti en 2022 restant encore fort (ce-dernier ayant placé honorifiquement ce premier à la vice-présidence au titre de sa représentation de la frange modérée du mouvement ; la suite des événements prouva que leurs deux lignes étaient difficilement compatibles). Cette comédie en 1000 actes qu’est celle de la politique française ne peut nous laisser indifférents et des épisodes comme ceux connus par les LR sont vécus à travers tout le prisme politique. Avis à tous ceux qui se sentent diseurs de bonne aventure : en politique, seule l’urne fait la loi, pas la boule de cristal…